L’AUTHENTIC 2017 – des galères à répétition, le récit d’André Lamour

Le récit d’André Lamour, un motard courageux et téméraire participant de l’édition 2017 de l’hivernale l’Authentic…

Dans mon petit coin du Morbihan, Mémère est prête, révisée, chargée pour un long périple hivernal.

La BM se prélasse dans la douceur bretonne.

Mémère, c’est ma fidèle BMW R60 Série 5. Elle arbore une tenue camouflage adaptée puisqu’elle est tout blanche.

Son objectif, rallier le Massif Central pour participer à deux rencontres hivernales, d’abord l’Authentic, sur le plateau du Cézallier dans le Puy de Dôme, puis une courte étape sur la route du retour pour participer aux Millevaches, sur le plateau du même nom en Corrèze.

Les mornes plaines de l’ouest de la France sont avalées sans difficultés.

Mémère ronronne gentiment et je savoure la perspective de cette folle semaine, des copains à retrouver, des personnes à découvrir, des paysages à contempler.

Je me délecte d’avance de ces moments que m’octroie ma toute jeune retraite.

Après Limoges, les premiers contreforts du Massif Central sont englués dans une neige de plus en plus épaisse et continuellement renouvelée par des chutes continues.

Entre deux « pelles », l’équipage avance tout doucement et péniblement dans la nuit maintenant bien installée.

Arrivé à Meymac (19) il faut me raisonner.

C’est de la folie de continuer comme ça.

Je me réchauffe dans un café, Les Ambassadeurs, qui se trouvent être aussi le siège du Moto-Club local.

Accueil royal.

Ils m’offrent mon chocolat et me trouvent une chambre, qui plus est dans un relais motards.

L’esprit aussi est réchauffé dans ce contexte.

Malheureusement, cet hôtel restaurant semble être affublé du titre de relais motard par erreur.

Arrivé devant la porte, je béquille, mais glisse et entraîne la machine dans ma chute, sous l’œil goguenard d’un patron qui reste bien au chaud derrière sa vitre à observer le spectacle sans doute hilarant du motard congelé et fatigué qui peine à relever sa moto sur ce sol précaire.

La suite est à l’avenant.

Je dois me presser d’aller poser ma machine à l’air libre, sous la neige qui n’arrête pas de tomber, devant le garage estampillé « relais motard ».

Je suis bien dans l’ambiance et ne suis sûrement pas objectif quant à l’état de la chambre, les conditions d’un petit déjeuner qui n’en a que le nom.

« Mémère » sous son manteau blanc après sa dure nuit Meymacoise.

Avant de reprendre la route, je retourne prendre des forces, physiques et morales, pour un vrai petit déjeuner au café Les Ambassadeurs.

Entre le haut et le bas de Meymac, le climat humain est à l’opposé.

A proximité d’Ussel, j’opte pour l’autoroute.

Je me rallonge considérablement en kilomètres, mais ni en temps, ni en risques dans ces conditions exceptionnelles.

L’arrivée sur Anzat le Luguet (63) est cauchemardesque.

De la petite route de montagne engluée dans la neige et balayée par de fortes rafales de vent.

Au point de contrôle, impossible de continuer.

D’ailleurs, à 20h00 les secours étant bloqués dans le village d’Anzat les autorités décident d’interdire l’accès au Bivouac au col de Chanusclade.

Nous sommes quelques dizaines bloqués ici et l’entraide fait son œuvre entre motards, dans la bonne humeur.

Pointage de l’Authentic.

Mais la nuit est bien installée et il faut trouver des solutions.

La salle communale étant à disposition des 8 organisateurs présents, naturellement nous projetons de les y rejoindre.

Et la réponse tombe, encore plus glaciale que l’environnement :
« Pas question, vous êtes venus à une hivernale, vous devez être équipés ».

Les éléments se sont déchainés toute la nuit.

Heureusement, la solidarité montagnarde est d’un autre niveau et beaucoup trouvent refuge chez l’habitant.

Ce ne sera pas le cas pour tous, tel ces italiens qui doivent passer la nuit dans l’espace toilettes ou le père et fils qui doivent monter la tente devant la salle en plein vent dans la tempête de neige se réveillant limite en hypothermie le matin.

Les agriculteurs sont vraiment solidaires, eux.

Transi, fatigué, et surtout écœuré, au petit matin j’entame la descente vers la vallée avec quelques compagnons d’infortune, Serge et son frère du Beaujolais sur 600 BM également.

5 heures 30 pour faire 18 kilomètres, et nous ne comptons plus le nombre de chutes.

Mais là, l’entraide est bien présente et nous retrouvons enfin des routes praticables, mais toujours sous le vent et la neige.

Enfin, les routes recommencent à noircir.

Nous roulons de concert jusqu’à Montluçon pour y passer la nuit.

Le lendemain, je retourne vers la Bretagne, abandonnant mon projet initial, trop dégoûté.

A la lueur de cette expérience, je vois d’un œil différent l’histoire de 2013 qui a fait couler tant d’encre.

Je n’y attachais pas grande importance jusqu’ici, mais la lettre ouverte du Moto-Club Meymacois prend tout son sens maintenant.

En conclusion, ma longue vie de motard s’enrichit d’une nouvelle expérience dont je me serais fort bien passé, mais que je vais pouvoir transmettre dans notre Amicale Motarde TY MARH TAN.

Et je vais pouvoir proposer à nos jeunes et moins jeunes de vivre une autre hivernale, les Millevaches, historiquement et géographiquement sur le Plateau de Millevaches celle-là, avec des valeurs humaines plus adaptées à ma vision.

Une hivernale déjà vécue et encore plus appréciée après cet épisode qui ne supporte pas la comparaison en termes de solidarité particulièrement !

texte et photos André Lamour