SIDECAR – Superside, interview d’Emmanuelle Clément par Éric Sauvage
En compagnie de son pilote Todd Ellis, Emmanuelle Clément est devenue championne du monde de Sidecar Superside 2022.
Éric Sauvage – Bonjour Emmanuelle.
Merci pour ta disponibilité pour ta participation à cette interview.
Félicitations pour ce titre de championne du monde et pour l’ensemble de ta saison.
Avant de te laisser la parole, revenons pour les personnes qui ne te connaissent pas sur le début de ta carrière.
Olivier Dichamp
2015 :
C’est à l’occasion d’un baptême avec Olivier Dichamp que tu découvres le side-car
Sébastien Delannoy
2016 :
3ème du Championnat de France de course de côte Sidecar avec Jérôme Autajon
Bennie Streuer
2017 :
Première course et première victoire avec Sébastien Delannoy en championnat de France FSBK.
Champions de France Superbike Sidecar
Premiers tours de roues en championnat du monde F.I.M Sidecar avec le champion du monde 2015 Bennie Streuer.
Scott Lawrie
2018 :
Premier points en championnat du monde F.I.M side-car lors de l’épreuve d’Assen avec Scott Lawrie.
Paul Léglise
2019 :
9ème au championnat du monde F.I.M side-car avec Paul Léglise.
Pekka Paivarinta
2020 :
Cause Covid , le championnat n’a pas eu lieu. Superprix avec Pekka Paivarinta
Tod Ellis
2021 :
Vice-championne du monde avec Todd Ellis.
Tod Ellis
2022 :
Championne du monde avec Todd Ellis
Todd Ellis
Éric Sauvage – Le 16 octobre tu étais avec Todd Ellis titrée championne du championnat Molson British F1 side-car. Vous avez participé à 15 des 19 courses. 15 podiums lors de ces 15 courses, 12 victoires, 2 secondes places et une troisième place.
Le 30 octobre avec Todd Ellis vous devenez champions du monde F.I.M side-car. Sur l’ensemble du championnat, soit 16 courses, vous remportez 9 victoires, 5 secondes places et une troisième place.
Comment analyses tu cette domination ?
Emmanuelle Clément – Ça a été un travail constant depuis la fin de la saison 2021 jusqu’à présent. Lors de la saison 2021, nous avons appris beaucoup de choses avec Todd, première saison en mondial pour lui, première saison ensemble et premiers podiums. Pour nous 2021 c’était une saison d’apprentissage des pistes, de nos concurrents, de la machine et 2022 on attaque.
L’hiver dernier nous avons travaillé sans arrêt sur la machine plus en parallèle le développement du châssis RYDE, de quoi bien occuper. Dès les premiers essais au Vigeant, nous étions rapides et nous nous sentions bien sur le sidecar. Nous avons continué notre travail méticuleux jusqu’en fin de saison et ça a payé.
Todd Ellis et Emmanuelle Clément
Éric Sauvage – Tu seras à jamais la première passagère couronnée championne du monde F.I.M side-car en catégorie F600. Tu es la deuxième passagère sacrée championne du monde F.I.M side-car, Kirsi Kainulainen étant la première femme et dernière passagère, suite au changement de la catégorie l’année suivante, sacrée championne du monde en 1000cc. Tu es la troisième personne du side-car français titrée championne du monde F.I.M side-car après Alain Michel en tant que pilote en 1990 et Gregory Cluze comme passager en 2014.
As-tu conscience de l’exploit que tu viens d’accomplir ?
Emmanuelle Clément – Pour être honnête j’ai vraiment du mal à réaliser, quand je regarde les photos de la saison j’ai les larmes aux yeux et je me dis « Oui Emmanuelle, c’est bien toi, tu es Championne du Monde ». Le dernier tour de la course au Portugal, j’ai pleuré tout le long de joie, c’était un weekend exceptionnel.
Après ça on a pris une petite semaine de repos mais il a fallu attaquer de suite lorsque nous sommes rentrés car la saison 2023 est déjà là.
Nous avons réalisé un peu plus que nous étions Champions du Monde quand nous sommes allés a la cérémonie a Rimini entourés de tous les Champions du Monde.
Todd Ellis et Emmanuelle Clément
Éric Sauvage – Comment expliques-tu cette ascension si rapide ?
Emmanuelle Clément – Quand tu es bercée dans le milieu depuis que tu es née, c’est déjà compliqué d’échapper au virus de la passion moto/sidecar.
Puis en grandissant tu as plus de maturité et cette passion devient toute ta vie et tu te fixes donc des objectifs pour atteindre le plus haut sommet.
Il y a aussi les connaissances, les bonnes rencontres au bon moment, saisir les bonnes occasions et puis le hasard qui fait que l’histoire de ta vie est unique.
Enfin je finirai par le travail, tout le monde sait que l’on a rien sans rien et que tôt ou tard lorsque l’on travaille dur et que l’on est motivé, ça paye et voilà où l’on en est aujourd’hui et on va continuer ainsi car on aime plus que tout ce que l’on fait.
Todd Ellis et Emmanuelle Clément
Éric Sauvage – Cà change quoi pour toi d’être championne du monde F.I.M side-car ?
Emmanuelle Clément – On va dire que dans la vie courante rien n’a changé.
Coté sidecar, on a un peu plus de notoriété et les sponsors sont un peu plus ouverts.
Après ce que ça change, c’est que dans un coin de notre tête on a cette fierté de l’avoir fait et on a encore plus envie d’y retourner et de se battre de nouveau pour décrocher le graal. Ça motive encore plus je dirais.
Éric Sauvage – Championne du monde F.I.M side-car, change t-il le regard des observateurs ?
Emmanuelle Clément – Bonne question, j’aimerais tellement que ça change tout pour le monde du Sidecar, que des personnes soient intéressées par ce sport et puisse l’aider à le replacer à la hauteur des Moto GP comme dans le temps.
D’ailleurs lorsque l’on est allé à Rimini on a discuté avec les personnes travaillant pour Ducati pour Peco Bagnaia et ils connaissent le sidecar et trouvent ça fascinant et impressionnant, tout comme plein d’autres personnes lors de cette soirée.
Bien sûr quand tu es féminine et que tu es Championne du Monde, les gens ont du respect mais moi je ne cherche pas forcément ça, j’aimerais que les gens est du respect et de la fascination pour le Sidecar en général car le public aime ce sport si différent de la moto.
Éric Sauvage – Comment a été accueilli votre titre de champion du monde F.I.M side-car en France et en Angleterre ?
Emmanuelle Clément – La question qui tue ahaha
En France il a très bien été accueilli puisque dès la fin de la seconde course au Portugal, j’ai tout de suite reçu les félicitations de Sébastien Poirier le président de la FFM, plus beaucoup d’interviews et de félicitations et de récompenses. Lors de notre weekend à Rimini, Mr Poirier avait également organisé un repas entre champions français et également avec Todd, c’était très convivial. On va dire que l’on n’a pas à se plaindre en France car Mr Poirier aide beaucoup le sport moto et de plus en plus le sidecar, la reconnaissance est bien là.
En Angleterre, à ma grande surprise, aucune félicitation de la part de l’ACU (fédération anglaise) pour Todd, aucune interview, aucune récompense, aucun repas, bref comme s’il ne s’était jamais rien passé.
Très déçue pour Todd, j’ai envoyé un email à l’ACU pour leur expliquer ma rage mais jamais eu de réponse, on se demande bien s’ils intéressent à leurs licenciés et au sidecar….l’Angleterre le berceau du sidecar…et bien la reconnaissance des Champions ça fait peur car Todd mérite tellement mieux!
Todd Ellis et Emmanuelle Clément
Éric Sauvage – Au vu des résultats, la saison a été un long fleuve tranquille. As-tu le même ressentiment ?
Emmanuelle Clément – De l’extérieur ça peut paraître un long fleuve tranquille, mais de l’intérieur c’était plutôt un ras de marée.
On s’est donné plus qu’à cent pour cent et la rivalité était bien présente. Le niveau est de plus en plus serré devant et de saison en saison tout le monde évolue ainsi que le matériel ce qui donne beaucoup de fil à retordre. D’autant plus lorsque l’on est que deux à travailler sur la machine, Gary le beau-père de Todd nous prépare les moteurs et tout le reste on le fait à deux.
Donc pour en revenir à ta question, le travail en coulisse prend beaucoup de temps et l’on essaye de le refléter lors des weekends de courses, ce que les gens voient ce n’est qu’un tiers de tout le travail.
Éric Sauvage – Quels ont été les points forts lors de cette saison 2022 ?
Emmanuelle Clément – Les points forts de cette saison, la régularité, la fiabilité, la complicité, un bon travail d’équipe, des records de pistes, mais également les weekends à double victoires car c’est ce qui mine le moral des concurrents. Comme à Oschersleben, sur le terrain de Schlosser/Fries, la double victoire était juste improbable pour nous et c’est ce qui en a fait un des plus beau weekend.
Todd Ellis et Emmanuelle Clément
Éric Sauvage – Comment analyses tu la saison de Todd Ellis ?
Todd il m’a encore plus surprise et me surprendra toujours. Il fait très peu d’erreurs et apprend extrêmement vite.
Il est très ingénieux et son travail complète bien le mien et c’est ce qui me plaît beaucoup. Il est très calme et j’ai besoin de quelqu’un comme ça car je suis assez nerveuse.
Sa seconde saison en mondial seulement et sacré Champion, c’est un pur talent et c’est pour cela qu’il mérite beaucoup de félicitations. Le plaisir que je prends sur le sidecar avec lui c’est juste unique même quand il utilise l’herbe pour doubler ahah.
J’ai fait des tours qualifs avec lui juste incroyables (en Hongrie, on a le record du tour avec deux secondes de moins que l’ancien, les conditions parfaites et le tour parfait) à la limite mais toujours en sécurité, il maîtrise son sidecar tout comme en course, il y croit jusqu’au bout et ne lâche rien, même s’il faut se brûler les cuisses pour la victoire.
Depuis les premiers tours de roues avec lui j’ai su que je voulais continuer ma carrière avec lui car le feeling sur le sidecar est juste comme si on était qu’un ! Désolée je suis amoureuse ahaha.
Éric Sauvage – Quand as-tu pensé au titre ?
Emmanuelle Clément – Bien sûr les premières courses tu ne penses jamais au titre, tu fais tes courses et se passe ce qui se passe, puis en milieu de saison quand les points commencent à s’accumuler tu te dis qu’il y aurait peut-être une chance de se battre pour le titre du coup tu mets encore plus d’efforts à faire les choses correctement.
Après Donington il y avait une grande période sans courses de mondial mais beaucoup de courses de BSB du coup on en a profité pour améliorer le sidecar car les plus durs weekends allaient arriver.
Oschersleben a été le point décisif pour nous car la double victoire nous a conforté dans nos grandes chances au titre et là on y pensait vraiment. Mais tu ne sais jamais ce qui peut arriver jusqu’à la fin.
Une année pour apprendre vice-championne du monde en 2021 et la seconde pour être championne du monde 2022 Est ce le scénario que tu avais envisagé ?
Oui c’est exactement ce qu’on s’était dit avec Todd, nous on aime bien rigoler de ça c’est une des premières choses que l’on s’était dite lorsque l’on a commencé à rouler ensemble.
Éric Sauvage – Ta saison s’est terminée par le gala FIM Awards. Comment l’as-tu vécu ?
Emmanuelle Clément – Mal aux pieds ahah.
Un très beau weekend avec des personnes que l’on voit normalement à la TV, on était à la table de Alvaro Bautista et de l’équipe d’Endurance Moto FCC et juste derrière nous il y avait Valentino Rossi et Peco Bagnaia, juste incroyable.
Une grosse organisation et les italiens sont très passionnés car lors des autographes il y eu beaucoup de monde.
Un weekend très chargé car arrivés le vendredi après-midi et repartis le dimanche matin, du coup pas trop le temps de visiter ou de profiter.
On a été accueillis comme des stars et ça fait bizarre car on n’est pas trop habitués à tout ça et à ce mix de personnes professionnelles et amateurs.
A faire au moins une fois dans sa vie !!!
Emmanuelle Clément
Éric Sauvage – Quel est ton regard sur le peu de participants au championnat du monde F.I.M side-car ?
Emmanuelle Clément – Les participants sont peu nombreux certes mais le niveau est très relevé, donc assez contradictoire.
La plus grosse grille que l’on a eu était à Spa, 18 engagés il me semble, alors que c’était en même temps que le TT.
Bien évidemment si l’on pouvait avoir une grille comme ça à chaque course ça aiderait énormément à populariser de nouveau le sidecar. Après nous sommes tous amateurs, les budgets c’est compliqué même quand on est champion donc forcément tout le monde n’arrive pas à faire intégralité du Championnat et c’est bien dommage car le niveau est bien là.
Si l’on compare à la Formule 1 ou à la MotoGP, on fait un Championnat du Monde tout comme eux alors on devrait être au même niveau médiatique, mais il y a trop de critères manquants chez le sidecar, dont les participants, un des plus important.
Éric Sauvage – Suite au retrait du promoteur Roger Body (Santander Salt) comment vois-tu la saison du championnat du monde F.I.M side-car 2023 ?
Emmanuelle Clément – Apparemment il y aurait un nouveau promoteur, donc c’est un bon point mais d’après ce que j’ai entendu, pas de course en Angleterre alors que la moitié du plateau est anglais,…on verra bien mais ce n’est pas très logique.
Ce sera une saison comme une autre avec certainement des nouveautés.
Pour nous ce qui change le plus c’est que Roger ne nous aidera plus à payer nos pneus et nos entrées, il faut donc que l’on trouve le budget complémentaire. Côté promoteur, contrairement à ce que certains pensent, Roger ne nous a jamais aidé car étant le patron de notre team il n’avait en aucun droit à intervenir dans les décisions du jury en ce qui nous concernait.
De plus il avait instauré la règle des doubles points, chose que Todd et moi n’aimions pas du tout car le travail de toute une année peut s’envoler en un weekend.
Éric Sauvage – Vous perdez un de vos sponsors principal Santander Salt, comment s’annonce la saison à venir?
Emmanuelle Clément – Beaucoup de nos sponsors vont continuer à nous suivre mais ça ne suffira pas. Nous sommes donc comme tout le monde, à la recherche du complément pour finaliser notre budget 2023.
Nous n’aurons plus la grosse semi, donc on aura notre propre structure et toujours en famille. Nous avons hâte de commencer cette nouvelle aventure, et de défendre notre titre.
Todd Ellis et Emmanuelle Clément
Éric Sauvage – Un titre de champion du monde F.I.M side-car facilite-t-il les contacts avec les sponsors ?
Emmanuelle Clément – Bien sûr ça facilite car tu as du bagage, après le sidecar étant peu médiatisé beaucoup de personnes sont hésitantes. Cela facilite le contact avec les personnes que tu connais déjà et un peu avec celles que tu connais moins.
Un titre de Champion du Monde déverrouille beaucoup de choses mais pas toujours en Angleterre du fait du peu d’importance portée au Champion.
Todd Ellis et Emmanuelle Clément
Éric Sauvage – Quels sont tes projets 2023 ?
Emmanuelle Clément – Projets 2023,…. défendre notre titre, le mondial avant tout. En parallèle, on aimerait faire quelques courses de BSB, des courses en Europe comme Chimay ou encore Imatra, à voir selon les dates et le budget.
Emmanuelle Clément et ses parents
Éric Sauvage – Souhaites-tu rajouter quelque chose ?
Emmanuelle Clément – Je voudrais remercier toutes les personnes qui m’ont aidée à en arriver là aujourd’hui, il y en a beaucoup mais elles se reconnaîtront.
les parents d’Emmanuelle Clément
Un grand merci à tous nos sponsors qui nous ont suivis jusque-là, nos familles (car c’est important), aux personnes qui nous soutiennent et à Todd car c’est mon pilote et sans lui je n’aurais jamais réussi à devenir Championne.
GAZZZZZZZ #6
Merci à toi Éric pour cet article.
les parents d’Emmanuelle Clément
Éric Sauvage – Un grand merci pour ta participation.
Todd Ellis et Emmanuelle Clément